L’ascension du Cotopaxi, volcan actif le plus haut du monde culminant à 5900 mètres dans les Andes équatoriennes, avec mon amie Camille, rencontrée 10 jours auparavant dans une Auberge de Quito.
C’est le grand jour, on a rendez-vous vers midi avec Diana pour manger avec elle avant de monter au refuge. À 11h07 l’auberge tremble. On ne comprend pas trop, on venait de vivre notre premier tremblement de terre. Juste 5 secondes et plus rien. On part à pied rejoindre Diana à l’hôtel qu’elle nous a indiqué. En fait, c’est sa famille qui le tient, elle nous donne tout notre matériel et on s’installe pour manger. Elle me prête absolument tout en passant par le pantalon, les chaussures, les gants, le casque et le matériel. On reprend la route pour monter au parking du refuge avec Diana. Elle nous raconte qu’elle a déjà fait plus de 40 fois le sommet du Cotopaxi et 5 fois le Chimborazo. Elle a fait des études d’ingénieures et de stylisme mais elle s’est finalement orientée vers la pratique de la haute montagne qu’elle a découverte grâce à son père, lui-même guide. Elle est l’une des seules femmes reconnues guide de haute montagne dans le pays. Pour la petite histoire, Juliana Garcia, équatorienne, est la pionnière de l’alpinisme là-bas. Elle est aujourd’hui la première femme guide de haute montagne en Amérique du Sud. Elles sont encore une très petite minorité de femmes dans le métier dont Diana fait partie.
Elle m’explique que pour l’instant elle ne veut pas faire les sommets populaires européens ou internationaux car elle trouve que c’est devenu trop touristique et que les gens y vont bien souvent juste pour la photo. Je suis d’accord avec elle. On arrive au parking, on prend le chemin le plus raide. On marche tout doucement et cela reste facile. Je suis déjà montée ici il y a deux semaines, on marchait beaucoup plus vite. Il neige très fort et on ne voit rien. On arrive au refuge et on comprend qu’il va faire très froid. On garde nos doudounes à l’intérieur. On prend un chocolat chaud bien réconfortant avant de manger vers 17h. Diana nous appelle pour nous dire qu’on voit le sommet entre les nuages qui se dispersent. Bien que j’aie déjà vu ce sommet, cette fois c’est différent, on va tenter de le gravir. Je retourne rapidement dans mon lit avec mes deux sacs de couchage. Il est 18h42 et je pense essayer de dormir. J’écris en ce moment même. Je mets mon réveil à 23h30. J’ai hâte et en même temps je crains d’avoir froid ou d’avoir le mal des montagnes. Je reste confiante et je me dis qu’une jurassienne n’a jamais froid.
Nous commençons à doubler quelques personnes et nous continuons notre chemin. J’aperçois quelques personnes qui redescendent et je comprends que ce sont des personnes qui sont arrivées en haut et qui s’attaquent à la descente. Le sommet n’est donc pas très loin ! Je pose la question qu’il ne faut pas poser “on arrive dans combien de temps ?” et Diana me répond qu’il nous reste 2h ! Je ne la crois pas, les personnes que l’on croise me disent qu’on arrive bientôt, cela nous donne un regain d’énergie avec Camille. Nous continuons, il y a de plus en plus de neige et je sens que la pente est plus raide. Mes jambes sentent enfin qu’elles sont à plat jusqu’au moment où notre guide nous regarde et nous dit “Félicitations les filles, vous êtes en haut du Cotopaxi”. Nous étions donc au sommet, sans aucune possibilité de le croire vu les nuages et les flocons de neige qui cachaient toutes les courbes du sommet, avec pour seule validation les paroles de Diana. Je ne saurai jamais s’il nous restait vraiment 2h et qu’elles sont passées extrêmement vite ou si Diana avait fait exprès de nous mentir. Le soleil n’était pas présent et la vue de tout l’Equateur encore moins, mais le bonheur était encore plus dans l’accomplissement de nous même que dans la beauté d’un lever de soleil. Pas de vue, pas de magnifique photo et pas d’étoiles plein les yeux mais une gratitude si forte pour notre guide et la fierté d’avoir relevé ce défi dans des conditions pareilles.
Après quelques photos, nous ne tardons pas à redescendre. Je crois maintenant toutes ces personnes qui disent que la descente est plus dure que la montée. Il y avait tellement de neige que le chemin n’existait plus. Nous sommes descendus avec tous les groupes qui s’attendaient pour ne pas se perdre. Je me demande encore comment les guides ont su trouver le chemin. J’étais tellement fatiguée que j’attendais avec beaucoup d’impatience la vue du refuge. Nous avons mis 3h à descendre.
Je ne sais même pas décrire ces 7h tellement c’était long et en même temps si rapide. En fait je crois que ma notion du temps est complètement partie et que je ne sais pas dire si le temps est passé vite ou doucement. Ce que je sais c’est que je suis tellement reconnaissante d’avoir rencontré Diana et d’avoir gravi ce sommet avec mon amie Camille, en étant la seule cordée de femmes. J’ai sans doute réalisé un de mes rêves auquel je n’avais peut-être jamais cru tout simplement parce que je connais de loin ce monde de la haute montagne et qu’il paraît difficilement accessible. Les récits étaient pour moi souvent masculins, représentés par des hommes forts et des courageux qui savouraient la montagne. Avant cette expérience, je m’en rendais compte seulement dans mon inconscient, sans mettre de mots dessus, juste en grandissant avec un bon nombre de stéréotypes dans la tête. C’est grâce à cette expérience que j’ai pour la première fois recherché des articles sur les femmes en montagne, en Equateur et ailleurs, pour trouver des réponses à mes questions et pour retracer l’histoire des ces femmes et de ces hommes guides. C’est aussi grâce à cette expérience que je suis tombée sur l’association On n’est pas que des collants et sur le festival Femmes en montagne…